Les anciens abattoirs de Mons accueillent depuis le mois d’avril une exposition intitulée« Corps Commun » où l’on peut y découvrir les oeuvres de deux générations d’artistes faisant partie de la vie artistique montoise. Deux époques sont alors mises en confrontation, celles de 1968 et de 2013. Peintures, sculptures, textes, photos et vidéos sont au rendez-vous afin d’illustrer ces deux temporalités.
Cette exposition démontre la rencontre entre des collectifs d’artistes issus de la vie montoise de 1968 tels que MAKA, Cuesmes 68 et Carré d’Art et ceux d’aujourd’hui, composés d’artistes en résidence dans la ville durant un mois ou encore d’élèves de l’atelier d’IDM de l’école « Arts au Carré ».
L’exposition« Corps Commun »questionne les motivations de ces artistes. Pourquoi se sont-ils associés et entendus? Elle essaye également de dégager le rapport qu’ils entretenaient ou entretiennent encore toujours avec le monde, la société et l’environnement.
Tout au long de cette exposition aux Anciens Abattoirs de Mons, on navigue entre des espaces dédiés aux différents collectifs d’artistes, dans le but de découvrir leurs démarches et leurs actions au sein même de la ville, effectuées durant deux époques très différentes et très symboliques.
Vue sur la cour des Anciens Abattoirs de Mons
Génération Mons 1968
MAKA (1971-1976)
Au travers de cette « Génération 1968 », on y trouve plusieurs collectifs d’artistes tel que MAKA. Six peintres et un sculpteur composent ce premier collectif, en lien de près ou de loin avec l’Académie des Beaux-Arts de Mons. On y rencontre soit des professeurs tels que Michel Jamsin, Yvon Vandycke, Christian Leroy, soit des anciens ou récents étudiants, tels que Jean-Marie Molle, Jacques Ransy, Charles Szymkowicz et Calisto Peretti. Ils rejettent les choses sans âme et pratiquent au contraire un art expressif à outrance, traitant des désirs et des passions.
MAKA – Corps Commun, Anciens Abattoirs de MonsMAKA – Corps Commun, Anciens Abattoirs de MonsMAKA, Christian LEROY, « Le casqué » – Corps Commun, Anciens Abattoirs de Mons
MAKA – Jean-Marie MOLLE (gauche), Christian LEROY (droite) Corps Commun, Anciens Abattoirs de Mons
Cuesmes 68 (1968-1977)
Parmi cette « Génération 1968 », on y trouve également le collectif Cuesmes 68, composé de Jean-Claude Faidherbe, Paule Herla, André Houfflin, Jacqueline Moulin, Alain Rousseau et des frères Danny et Charly Vienne, rassemblés parce dernier, jeune professeur à l’Académie des Beaux-Arts.
Cuesmes 68 s’est donc créé dans le but de réaliser une immense fresque à l’Institut Communal d’Enseignement Technique (I.C.E.T.) de Cuesmes, afin de décorer le nouveau réfectoire et la nouvelle salle des fêtes.
Cette fresque mesure au total 450m2 et se base sur le travail régional. Quatre thèmes la composent: « Le battage d’été », « La rentrée des foins », « Le borinage » et « Le chantier naval ». Cette fresque est donc une oeuvre collective, résultant d’un collectif d’artistes, où les thèmes ont été choisis par les membres de celui-ci et où le travail et les tâches ont été réparties entre chacun d’entre eux. Il faut savoir qu’à l’époque, elle était considérée comme la plus grande fresque de Belgique. Malheureusement, le bâtiment étant aujourd’hui à l’abandon, l’école va être vendue. Que va devenir cette fresque, symbole du passé et du patrimoine montois? Un film a été créé par Nicolas Graux, pour l’occasion de« Corps commun ». Le but est de dévoiler aux visiteurs et aux spectateurs cette fresque victime des ravages du temps et de l’homme.
Le Carré d’art est un collectif regroupant une dizaine de participants, composés d’anciens et de récents étudiants de l’Académie des Beaux-Arts de Mons, ainsi que le professeur Michel Jamsin et le médecin et écrivain amateur Robert Allard. Ils se regroupent chez le dessinateur d’architecture Claude Maquin. De leurs expérimentations naissent deux spectacles comprenant des sketchs et des chansons, ainsi que des expériences de cinéma, des bandes dessinées, des romans-photos, des actions spontanées dans la ville de Mons ou encore des graffitis. L’exposition montre entre autre le film inachevé « Symphonie fantastique » dévoilant aux spectateurs une cérémonie mi blasphématoire, mi orgiaque, avec des scènes plutôt étranges et cocasses. Au milieu d’une scène, les intervenants s’arrêtent pour se remaquiller en éclatant de rire. On ne peut échapper à l’ironie de la situation et du collectif Carré d’art. De par ces expérimentations, les artistes espéraient briser les carcans sociaux, générationnels et physiques.
Carré d’art
Génération Mons 2013
Deux collectifs représentent pour l’occasion de cette exposition la « Génération 2013″. Le premier se compose de quatre artistes issus de la scène du graffiti et travaillant en réseau sur les villes contemporaines de divers pays. On retrouve alors Akim pour l’Allemagne, Jeroen Jongeleen (Influenza) pour les Pays-Bas, Obêtrepour la Belgique et Mathieu Tremblin pour la France. Ces artistes issus de divers horizons forment un collectif, mais cette fois dépourvu de manifeste et de nom. Pour l’occasion de« Corps Commun », ces artistes se sont réunis et ont été en résidence à Mons durant un mois avant cette exposition. Des peintures à plusieurs mains ont par exemple alors été réalisées. Mais une chose étonnante, c’est que pour eux, l’art se fait au dehors. Le but de leurs interventions a alors été de détourner le sens commun d’espaces de la ville de Mons tels que des terrains vagues, des trottoirs, des vitrines et des intérieurs de magasins à l’abandon, des panneaux de signalétiques, des pelouses, des voies ferrées, des anciens bâtiments industriels, des restaurants, des particuliers, etc. L’ensemble de leurs actions sont ensuite regroupées dans une publication disponible dans le musée, constituant une sorte d’archive pour le visiteur.
Homme à tout faire gratuit – Obêtre
Parallèlement à ceci, l’atelier d’IDM (Images Dans le Milieu) des Arts au Carré, constituant par le passé l’Académie des Beaux-Arts de Mons, a fait des recherches et des expérimentations sur la pratique collective. Cet atelier s’est alors transformé en un collectif temporaire. Les élèves se sont tour à tour métamorphosés physiquement et ils se sont démultipliés dans une vidéo panoramique visible au sein des Anciens Abattoirs. Dans le cadre de l’exposition« Corps Commun », la galerie des Arts au Carré s’est par ailleurs transformée en un laboratoire où l’atelier d’IDM a proposé une suite à son travail sur le collectif. « Corps Commun »va donc au-delà de son lieu originel d’exposition et va au-delà des Anciens Abattoirs de Mons pour se rendre dans une école, là où la recherche, l’expérimentation et l’apprentissage sont de mise.
Arts au Carré – l’atelier IDM
On retient de« Corps Commun » la diversité des disciplines artistiques et des intervenants représentés, selon les époques. Il est intéressant de comparer les productions artistiques issues de ces deux générations de collectifs montois. On apprécie la hargne, la grande implication des artistes de 1968, ainsi que leurs façons d’exprimer leurs idées et leurs valeurs. Une époque charnière et importante pour l’avenir et pour les artistes d’aujourd’hui. De plus, chez Belle&Belge,on apprécie grandement la peinture et on peut dire que l’on a été comblés par la qualité des oeuvres proposées et exposées.
Bref, une exposition à ne pas manquer, encore visible jusqu’au 14 juillet, qui ravira bon nombre de visiteurs vu la diversité des médiums et des techniques utilisés par les artistes. Profitez du beau temps pour vous promener dans la ville de Mons et pour vous rendre aux Anciens Abattoirs afin de vivre avec« Corps Commun »un retour dans un passé artistique hors du commun, en confrontation avec le monde artistique montois d’aujourd’hui.
* « Corps Commun »: expo visible jusqu’au 14 juillet, tous les jours de 12h à 18h, sauf le lundi.